De Saumur à Montauban
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Djinn posé en campagne (doc Internet)
Bon, reparlons du Djinn, tout n'a pas été dit sur cet hélicoptère si spécial. Certes pendant "la guerre d'Algérie", les pilotes ALAT avion, volontaires ne faisaient qu'une transformation sur place pour devenir pilote de Djinn, alors qu'une formation scolaire en due forme était nécessaire pour être totalement pilote hélicoptère.
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Les Djinn ont servit d'abord en Algérie pour l'ALAT
Pour certains il y voyaient là l'occasion de troquer d'interminables vols en reconnaissances de à vue (RAV) avion, par exemple, sur le Piper L-18, cinq heures de vol et plus n'étaient pas exceptionnelles, alors que sur Djinn l'autonomie de vol ne dépassait que très rarement une heure et demie. J'ajoute qu'à cette autonomie il ne faut pas oublier que sa vitesse de croisière de cent kilomètre-heure ne permettait donc pas de s'éloigner bien loin (150 km) de son point de départ !
Dans les demandes qui étaient commandées au petit PMAH de l'École de l'ABC (cavalerie) de Saumur, il y avait beaucoup à faire et un jour, en 1965, on me confie une longue mission qui n'enthousiasmait pas grand monde ; surtout que les pilotes sur Djinn qui étaient des vieux "chibani" préféraient assumer les missions un peu courtes.
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Typique Djinn de l'ALAT en vol (Doc Internet)
À cette époque j'étais le seul pilote mixte, Maréchal des Logis, disponible et volontaire pour voler sur tout ce qui pouvait prendre l'air au PMAH : Piper L-18C avec ou sans génératrice électrique sur le capot moteur, Piper L-21, Nord 3400, et les Djinn, Bel 47 G, Alouettes 2, bien entendu ces dernières étaient les plus courues. Me voilà désigné pour convoyer un Djinn de Saumur (terrain de Terrefort) à Montauban, haut lieu des grandes révisions mécaniques de cet hélicoptère.
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Montauban atelier de grande visite pour le Djinn (Doc Internet)
Un trajet de près de 350 km m'attendait, difficile à naviguer du fait de cette autonomie ; j'étais heureux de me voir confier cette mission, mais il allait me falloir naviguer au plus juste pour rejoindre les terrains d'aviation répartis au mieux sur le trajet. Par exemple le dernier tronçon sera Périgueux, Montauban cent quarante kilomètres (en limite d'autonomie) ! Le 12 septembre 1965, décollage pour cette longue mission avec comme objectif, déposer cet appareil pour sa grande visite et en échange en reprendre un autre tout rénové. Ce jour-là je décolle en CAVOK seul à bord, le siège passager étant occupé par ses documents administratifs. Avec une vitesse de croisière de quatre vingt dix kilomètres heures, et bien secoué par les vibrations généreuses de la machine vieillissante, me voilà naviguant au plus juste de terrain d'aviation en terrain d'aviation. Mais nous avions un problème majeur sur le Djinn c'est que son petit réacteur Palouste fonctionnait au kérosène et à cette époque on ne trouvait du kérosène que sur les grands aéroports commerciaux civils et militaires ; pour les aéroclubs on ne trouvait à cette époque que de l'essence avion, notre fameuse 100 L. comment gérer le problème ? Heureusement que le petit réacteur Palouste était très versatile et acceptait cette essence mélangée à notre huile standard. J'étais donc prié de composer le mélange ad hoc et même au prix de moindre performance je pouvais avancer dans ma navigation. Certains vieux pilotes disaient que l'on avait même fait voler le Djinn avec un mélange essence et savon voire du dentifrice ; mais ce n'était qu'une boutade.
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Le petit réacteur Palouste ici à lancement inertiel sur un Djinn (Doc Internet)
Sur le trajet vers le sud de Saumur il y avait à une demi-heure de vol deux hautes cheminées, jumelles toujours couronnées d'un panache blanc. Ce jour-là en voyant les cheminées, sans doute d'une importante cimenterie, la fumée était couchée à l'horizontale, et s'étirait vers l'ouest à perte de vue. Allez savoir pourquoi j'ai eu l'idiote envie de traverser ce panache de fumée, doublement idiote, car nous n'avions pas à quitter la vue du sol et de l'horizon et en plus cette fumée pouvait être toxique ! Bon, mais mettons cette malheureuse décision sur le compte de ma jeunesse ; tout excité je plongeais dans la fumée blanche en me disant que cinq ou dix secondes hors de la vue de tout ce sera intéressant.
Mais voilà une fois dans le coton les secondes se sont ajoutées aux secondes puis du coton blanc je suis passé à la fumée sombre et enfin je réalisais que j'étais dans un épais brouillard ! En fait la fumée blanche marquait la frontière aérologique d'un épais brouillard impensable pour moi. Grosse inquiétude il me fallait reprendre la vue du sol au plus vite, coup d'œil au compas mon seul instruments sans variomètre, sans bille et me voilà en légère descente avec ce gros souci comment vais je sortir de cet inattendu ennui ?
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Tableau de bord du Djinn dès plus archaïque pour naviguer !
À un moment, j'entraperçois sur le côté une vague silhouette du sol sous la forme d'un champ plat, je m'y précipite, le Djinn était assez manœuvrant, je me jetais sur ce bout de sol sans pouvoir faire un tour de reconnaissance préalable tant la visibilité était au plus faible et le terme était très modéré. Une fois au sol je pouvais sentir retomber mon émotion et un rapide tour d'horizon ne me permit pas de voir si j'étais dans un champ ou pleine campagne, pendant que le lourd rotor finissait de tourner sur son élan je cherchais des yeux s'il y avait une bâtisse habitée. J'étais descendu au sol pour finir d'arrêter à la main la rotation des pales, quand un mouvement dans le gris attira mon attention. Oui, pas de doute des vaches, avançaient vers moi avec une manifestation d'intérêt. Vache, Bœuf, Taureau, Vaux, je n'en savais rien et avec prudence je remontais inquiet dans le cockpit. La plus hardie des bestioles continua d'avancer jusqu'à l'hélicoptère ; elle nous observa et comble d'audace elle vint coller son mufle sur la fenêtre de mon côté en y laissant la silhouette de son groin, puis elle s'en alla calmement vers le reste du troupeau. Je trouvais ma situation pathétique. Puis, une bonne heure plus tard la grisaille s'éclaircit, quelques trous bleus apparurent et le ciel finit de m'offrit son meilleur jour. J’étais resté sur ce terrain plus d'une heure et je repris penaud ma route vers Montauban que je ralliais avec au total quatre heures trente de vol réel. Comme vous le voyez même pour moi ce n'était pas toujours la gloire…
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On a osé son armement ; ici tir missile AC SS-10 (Doc Internet)
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