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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 15:30


Le nouveau START n'est pas encore arrivé !

La signature d'un accord pour remplacer l'ancien traité START qui est arrivé à fin de validité
en décembre 2009 et qui doit être remplacé par un nouveau entre les USA et la Russie, prend du
retard en ce moment.

Comme je l'avais rappelé dans plusieurs articles, il n'y a rien là d'étonnant car le sujet est
complexe, il doit s'appuyer sur une extrême confiance entre les deux adversaires et cette
confiance ne se décrète pas à l'aune de l'impatience de certains pacifistes parfois écervelés.

Revoyons rapidement le problème qui n'a pourtant rien de trivial.

En 1969, russes et américains enfin convaincus d'une dissuasion nucléaire crédible des deux
camps, au prix de lourds sacrifices économiques pour l'un comme pour l'autre, décident de
négocier des réductions de leurs armements stratégiques aussi bien opérationnels que ceux
stockés dans les arsenaux (réserves). Par exemple à cette époque les armes nucléaires ont
une autonomie opérationnelle d'environ 8 mois avant d'être renvoyées en usine pour être
réactivée (initiateur à neutrons) puis revenir au service actif. Lorsque ces armes sont au
service actif elles sont opérationnelles et lorsqu'elles sont en usine ou dans les arsenaux
elles comptent comme réserve. Cet exemple est également valable pour les vecteurs.

En 1972 les Présidents Nixon et Brejnev signent un premier accord dit SALT-1 qui porte sur
les armes opérationnelles principalement et ils définissent les types de missiles, d'armes
stratégiques, et comment envisager un équilibre à l'aune des progrès possibles des ABM.
C'est sans doute à cette époque que l'on convient de sortir du registre de la dissuasion
les armes de dévastation, comme par exemple les armes anti-cités.

C'est de fait à cette époque aussi qu'est admise la notion de Mutuelle Assured Destruction
dit MAD qui est le principe de confiance. Je le résume par le fait que l'on échappe pas à
une première frappe de l'adversaire. Mais par contre grâce aux réseaux d'alertes, qui sont
tous du même niveau de part et d'autre, le délai d'alerte doit être suffisant pour lancer
une représailles (retalliation) dite force dissuasive assurant contre l'attaquant une
vengeance aux dégats disproportionnés par rapport au bénéfice escompté de son attaque.

A cette époque les délais d'alertes ne permettent de détecter une attaque massive d'ICBM
qu'une vingtaine de minutes après leurs départs. Il faut donc dans le laps de temps restant
avant les impacts décider de la représailles (en général quinze minutes). L'alerte BMEW et
les DEW Lines que je résume par : Réseaux d'alertes, font partie de la MAD, c'est à dire de
l'équilibre dit, de la terreur.

Un autre accord SALT, le deuxième sera encore signé par les Présidents Brejnev et Nixon en
1979 il affinera le SALT-1 en définissant et comptabilisant les vecteurs aériens en plus
des missiles, il en limite le nombre. Cet accord n'entrera pas officiellement en service
pour des raisons politiques, mais de fait il sera tout de même appliqué.

Parallèlement à ces accords on trouvera aussi des accords dit SORT qui portent eux sur la
gestion des armements dans les arsenaux (réserves) alors que les START portent sur la
réduction des armes stratégiques en service. Notons bien que le principe de la MAD reste le
fondement du système et bien entendu les systèmes de défense active comme les ABM et même
les ASAT ne doivent exister qu'à titre expérimental.

Mais que se passe-t-il dans les années quatre vingt ?

En 1983 le Président Ronald Reagan qui est aux affaires aux USA est horrifié par l'affaire
du vol KAL 007, ce Boeing 747 de la Coréan Air Line abattu par la VVS d'URSS vers Sakaline.
Ce qui effare le Président c'est que cet acte brutal est surtout le fait de petites mains
soviétiques
hors contrôle de Moscou !

Pendant cette décennie toute une série d'accidents et d'incidents arrivent à le convaincre
que les faucons, dont il se sait entouré lui aussi, risquent de nous mener à la guerre
absolue, plus par accident que par volonté délibérée. Par exemple en 1984 il réalise que
sur son ordre de mobiliser réellement la totalité des forces de l'OTAN pour mesurer leur
efficacité, les militaires ont oublié de prévenir leurs homologues russes au risque de
provoquer un accident d'alerte. Certes il encourage l'Initiative de Defences Strategique
(IDS) dite Guerre des Etoiles, mais il sait que porter la guerre dans l'espace n'est pour
le moment que de la science fiction. C'est encore Ronald Reagan qui devra assumer l'autre
grave bavure celle de l'IR 655 qui voit la marine US abattre un Airbus de l'Iran-Air en
route vers la Mecque au dessus du détroit Ormuz.

Dans le registre ABM cette décennie voit la confirmation du V-1000 soviétique et celle du
Safegard US mais sans déploiement comme convenu. On ne touche pas à la MAD et en plus
l'utilisation d'armes atomiques dans l'espace est désormais interdit.

En 1992, à la suite du changement de régime en Russie les contraintes économiques pèsent
durement sur ce pays, les Américains en profitent pour imposer un traité STAR-1 en 1994
qui devra courir jusqu'en 2009. Les USA pour affirmer leur confiance arrivent même à
introduire la notion de vérification sur place des forces en service soit, grâce aux
satellites d'observations optiques, soit par l'envoi en Russie d'inspecteurs accrédités.


C'est à cette époque que les russes procèdent, au grand jour, aux destructions de missiles
ou de sous marins et avions en surnombre. Dans le même temps SORT s'attaque aux arsenaux
qui devront eux aussi subir une cure d'amaigrissement et ce, de façon visible. C'est là
que se justifient au grand jour aussi les parcs de stockage de B-52 aux USA et les
emplacements tout aussi visibles des carcasses de sous marins russes découpés en rondelles
dans de profonds golfes de la Mer de Barent, tous ces stocks neutralisés doivent rester
sous le contrôle visible pour les satellites optiques ou par les inspecteurs. Il faut noter
que les USA arrivent même à arracher aux Russes une réduction d'armement non symétrique
à leur avantage ce qui rectifie l'équilibre numérique des armements (actif et réserve).

En 2001, les accords dit de Moscou SORT accentuent les réductions dans les arsenaux alors
que des mesures de sécurité dans START comme le déciblage des LSBM et le renforcement de
la sécurité de la clé du feu nucléaire dans les seules mains des Présidents des deux pays
sont des exemples. Dans toutes ces négociations, les ABM restent toujours interdits de mise
en service sauf à quelques rares exceptions.

Alors que la Russie s'enfonce dans une sévère crise économique, le Président Américain
G W.Bush horrifié et humilié par l'attaque aérienne kamikase sur New-York et Washington
du 11 septembre 2001, se lance désespérément dans une gesticulation militaire, puis attaque
 l'Afghanistan et l'Irak.

En 2002 des progrès significatifs dans l'interception des missiles ICBM commencent à se
manifester et la grande précision des ABM autorise l'interception sans user d'arme atomique
ce qui permet d'envisager enfin un déploiement de bouclier GBD.

Si les USA se sentent en mesure de s'acheminer enfin vers la mise en place d'un vrai bouclier
ABM
, les russes subissent un effondrement économique qui interdit une telle avancée.
L'OTAN trop contente d'enfin sortir à son avantage de la MAD à son seul profit n'hésite pas
à envisager un encerclement militaire de la Russie, encouragée par une administration
américaine où les faucons sont en force.

Maintenant vous connaissez la suite de l'histoire. Un premier craquement économique en 2002
dans le domaine du capitalisme libéral éprouve les investissements dans le domaine des hautes
technologie (NASDAC), puis la dérégulation abusive bouleveres les économiques des pays riches
permet à la Russie de renouer avec une meilleure économie. Le Président Poutine en profite
pour reprendre en main la force de dissuasion russe et commence lui aussi à encourager des
gesticulations militaires que l'OTAN avait fini par oublier.

Au prétexte d'Etat voyou comme l'est l'Iran ou la Corée du Nord, l'OTAN encourage les nouveaux
pays européens de l'ancienne mouvance soviétique à recevoir des installations de GMD dotées
d'ABM (Pologne) et de radar longue portée (Slovaquie) sous le regard bienveillant des
dirigeants européens. Si effectivement les qqs dizaines de missilesABM ne sont pas un problème
pour la sécurité russe, il n'en va pas de même pour le radar qui peut surveiller la Russie
sur une grande profondeur et qui interfère avec le délai d'alerte qui pourrait par exemple
en cas de première frappe russe passer de 20 minutes à 5 minutes avant détection, cela
laisse aux USA non seulement le temps de décider de la riposte, mais même de lancer
confortablement toutes ses forces avant même les impacts des missiles russes attaquants !

Bien entendu ce bouleversement de la MAD au seul bénéfice des USA et de l'Europe
déclenche une réelle colère des autorités russes qui ne reçoit à l'Ouest qu'une fin de non
recevoir.

Pour avoir touché sans négociation à la MAD, l'OTAN et l'Europe assistent impuissants
à une attaque réelle, surprise, de la Géorgie sous un vague prétexte de régions sécessionnistes.
La gravité de l'action russe ne laisse aucun doute sur sa détermination à revenir à une
situation "orthodoxe" en ce qui concerne sa confiance du point de vue de la MAD.

En août 2008, le capitalisme libéral dévoile toute son horreur, et  même les pays riches sont
ébranlés sérieusement. La crise économique qui suit va contrarier toutes les politiques de
tous les pays, et aussi bien les Iraniens, que les Nord Coréens en profitent pour gonfler
leurs muscles, face à un START finissant, un TNP bousculé, et une guerre en Irak et Afghanistan
qui n'en fini pas de se prolonger sans résultat probant.

Les USA et l'Europe comprennent que la ligne rouge a été franchie, et au prétexte du
changement d'administration américaine (2009), annulent le projet d'ABM Est européens.
Dans ces conditions les négociations sur le désarmement actif START peuvent commencer
entre Russes et Américains.

Quelques annonces des deux protagonistes se font encore menaçantes (aujourd'hui) au titre de la
propagande, mais il semble qu'un accord soit à espérer maintenant entre Russes et Américains.

Attention dans les déclarations de certains autres pays d'Europe de l'Est sur leur volonté
d'accepter sur leur sol au titre de l'OTAN des ABM (Roumanie), il faut se demander s'il ne
s'agit que de système Patriot ou alors de KEV ; ce n'est pas le même gabarit et ce n'est
pas la même menace pour la sécurité russe.

N'oublions tout de même pas, que technologiquement petit à petit le principe du bouclier
anti missile prend corps. Que ce soit en attaque "boost phase" c'est à dire au moment du
lancement d'un missile attaquant, que ce soit en "mid course" c'est à dire pendant la
navigation dans l'espace du RV (vol balistique), et enfin en "terminal phase" c'est à dire
après la rentrée atmosphérique juste avant l'impact, des succès technologiques sont bien
démontrés. On citera pour le champs de bataille par exemple le Patriot PAC-3 (USA) et le
S-300 (Russie), pour les "mid course" on citera le SM3-AEGIS (USA) et le S-400 (Russe) et
enfin pour les USA les KEV anti ICBM. Attention si tous ces systèmes commencent à devenir
crédibles, il ne faut pas oublier qu'ils sont destinés à intercepter l'attaquant suivant
des lois de prédiction linéaire de la trajectoire. La parade pour ces systèmes a d'abord été la
multiplicité des RV attaquants dont les fameux MIRV sont une objection à l'efficacité des ABM,
mais encore plus efficaces sont les MARV de MAnœuvrant RV qui sont la réponse anti ABM.
Bien entendu la précision du MARV et son prix en avaient interdit l'utilisation jusque là, mais
d'une part avec les systèmes GNSS (NavStar et GLONASS) qui assurent maintenant une grande
précision (CEP) aux RV et le prix qui ne compte plus si l'ABM devient efficace, deviennent d'actualité.

En Russie le RS-54 (Topol modifié) est susceptible d'utiliser des MARV, et il faut se
souvenir qu'aux USA un LSBM comme le Trident-II peut emporter avec le système D5, dix
RV MIRVés. On ne reparle pas encore des FOBS c'est à dire des RV à orbite fractionnée dites
bompbe orbitale, toujours envisageables.

En résumé, le nouvel accord START attendu pour remplacer celui de 2009, devra prendre en
compte tous ces rebondissements technologiques sans compter les systèmes d'alerte SBIRS
placés en GEO et qui tous, à un titre ou à un autre, modifient la perspective de la MAD.

Attention les TNP et autre SALT sont influencés par ces négociations. Les nouveaux pays
armés comme la Corée du Nord, l'Iran, l'Inde, la Chine, le Pakistan, Israël sont à l'écoute
attentive des arguments pour aboutir au nouvel accord.

Au final on commence à accepter l'idée que les USA et la Russie, chacun, se contentent
de 500 vecteurs portant au total 1500 armes atomiques opérationnelles chacun.

Quid des autres puissances atomiques ?

Astro-Notes, le 18 mars 2010.

Reférences :

Russian Strategic Nuclear Forces de Pavel Podvig (MIT Press 2001)
Defense contre les missiles balistiques de Jean-Philippe Baulon  (Biblio Stratégique, 2006)
La défense antimissiles en débat (s) de Pierre Pascallon (L'Harmattan 2008)
The last battle of the cold war de Maynard W.Glitman (Palgrave 2006)

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